« TOC-TOC ! »
Une exposition proposée par Mi-ri RYOU
avec Yoko FUKUSHIMA, Myung-sun JU, Sandra PALOMAR, Ingrid RODEMACQ, Rafael SURIANI
Du 17 juin au 29 juin 2008
Tout espace a une identité propre. Qu’il soit vide ou plein, il montre les traces du temps comme événement historique ou comme faisant partie de la vie de chacun. Ces traces définissent son caractère et sont elles-mêmes atmosphères d’espace. Selon Nicolas Bourriaud : « L’espace, c’est une étendue indéfinie qui contient, entoure les objets et leur accorde trois dimensions ; étendue limitée rattachée à l’intervalle ; espace appréhendé par la vision ; territoire vital et personnel nécessaire pour ne pas se sentir gêné par autrui [1] ».
« TOC-TOC ! » vous propose de regarder autrement un espace qui sera traité comme une maison par cinq artistes internationaux. Chaque artiste intervient avec des objets ordinaires qui « organisent » sa conception du réel. Il doit chercher à donner une identité différente à chaque lieu. Il ne s’agit pas d’une reconstruction de l’espace, mais bel et bien d’une redéfinition de son identité. La conception de l’espace mobilise, selon nous, les personnages qui demeurent en son sein.
Mi-ri Ryou
[1] Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Les presses du réel, Dijon, 1998, p17
Convivialité
Je me rends chez des amis… ils viennent de déménager. Me voilà arrivée à leur nouvelle adresse : 44, rue Bouret dans le dix-neuvième arrondissement. Le sésame du lieu (numéro du digicode) m’a été envoyé par texto. J’entre dans la cour, un matou m’accueille. Quelques personnes vont et viennent, des bruits de bricolage me parviennent. J’hésite, je cherche le nom de mes hôtes sur les boîtes aux lettres mais il n’y figure pas encore ! Je me résous alors à appeler la maîtresse de maison : Mi-ri. Elle a à peine décroché qu’elle est déjà sur le perron, souriante mais quelque peu pressée car tout n’est pas encore prêt pour la pendaison de crémaillère prévue dans deux jours. « Toc Toc », je pénètre dans ce lieu inconnu, invitation à la découverte. Elle me présente aux différents résidents de cette maison éphémère : la propriétaire Madame Li, les membres de l’Association Sans Frontières et ses locataires : Sandra, Ingride et Myung-Sun. Yoko et Rafael sont sortis.
Cette collocation artistique internationale emménage et j’assiste à l’installation, à ce moment où perplexe se posent les questions sur la manière d’habiter le lieu, de se l’approprier, de le caractériser selon ses goûts, d’y trouver ses repères et de s’y sentir chez soi en y disposant ses effets personnels… le temps des branchements électriques, du tapissage des murs et de la mise en place du mobilier. Je perçois déjà l’atmosphère de travail « bon enfant » qui règne ici : « Tu peux m’aider à ajuster ceci ? Tu crois que je peux l’installer là ? Cela ne fonctionne pas !? »
Je me trouve dans un espace défini comme une maison et revendiqué comme tel par ses habitants : un salon décoré et remeublé pour l’occasion, une chambre plongée dans le noir absolu, une cuisine de laquelle s’échappent des bruits d’ustensiles et une autre chambre dans laquelle un lit est en train d’être monté. Je suis plongée dans un univers familier et pourtant différent. Familier, car cet endroit me renvoie à mes souvenirs d’enfant : l’empilement savant des meubles dans le salon m’évoquent les cabanes et les jeux de construction, les dessins collés à même le mur, ce bonheur de s’exprimer à même l’espace, la présence des chats, symboles animaliers de la domus par excellence confirme cette impression, le noir évoque refuge, cachette et songes, la douce musique de la préparation des repas… indique quant à elle la présence rassurante de ma mère…
La différence vient du fait que cette intimité n’est pas la mienne mais celle introduite par ces artistes qui possèdent l’art et la manière de parler du particulier et du privé pour évoquer l’universel et le public, créant des échos au vécu et à la perception de chacun. Ces multiples propositions de compositions d’intérieurs convoquent les valeurs associées à la maison : refuge, famille, organisation, et domesticité mais jouent avec elles, les réinterprètent pour donner une approche décalée de leur vision traditionnelle.
Ces premières impressions et ce sentiment de bien-être demandent à être confirmés lors d’une prochaine visite de courtoisie, lorsque toutes les installations seront en place…
Vierginie CEZ
« sleeping flower », projection video, 2008
de YOKO FUKUSHIMA /plasticienne, vidéaste
« La machine à bruits ? », Installation en sonorée, 200?
de MYUNG- SUN JU / plasticienne
Née en 197? à Séoul en Corée du sud, vit et travaille à Paris et Séoul
Performance de Sandra Palomar le 19 juin à 20h
"HARANA 13 (la salope chantant et ses carottes)"
Notes sur Harana 13
En 1967 - 1968, Richard Serra fait une liste de verbes.
Habiter n'y est pas.
J'arrive sur place.
J'inspecte les affaires qui s'y trouvent.
Je les déplace pour vider les locaux.
J'en fabrique un abri.
Il y a des chats qui vivent dans la maison.
Ils viennent me dire bonjour.
Ils me font éternuer car je suis allergique à leurs poils.
Je fais un nettoyage mais les poils sont partout.
Il faut faire avec.
Je m'installe avec mes carottes (et mon couteau).
Je chante en les taillant.
J'éternue une fois, puis encore une fois.
Mes yeux commencent à gonfler. Ils pleurent. Mon nez coule.
Combien de temps vais-je tenir?
Je m'en vais.
Je reviendrai de temps en temps déplacer les affaires
et les remettre à leur place d’origine.
Et puis je m'en vais pour habiter ailleurs.
Harana 13 est dedié à Miki.
Notes on Harana 13
In 1967 – 1968, Richard Serra makes a list of verbs.
To live is not among them.
I arrive at the space.
I inspect the objects that are there.
I move them to empty the place.
I construct a shelter with them.
There are cats that live in the house.
They come to greet me.
They make me sneeze because I am allergic to their fur.
I clean but their fur is all over.
I will have to make do.
I move in with my carrots (and my knife).
I sing while carving them.
I sneeze once, then twice.
My eyes begin to swell. They tear. My nose runs.
How long will I hold?
I leave.
I return once in a while, to move
and put the objects back in their place.
Then I leave to live somewhere else.
Harana 13 is dedicated to Miki.
(cliquez sur l'image pour agrandir)